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Annie Kahn
Jean-Michel Bezat
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Le retour de "King Coal"
jeudi 5 octobre 2006 par Jean-Michel Bezat, Annie KahnLe pétrole. Le troisième choc pétrolier que le monde connaît depuis 2005, moins brutal que ceux de 1973 et 1980, a poussé à des analyse hâtives sur la "fin du pétrole". Le PDG de la compagnie nationale Saudi Aramco, Abdallah S. Jum’ah, n’est pas de cet avis. "Le monde n’a consommé que 18 % de son potentiel pétrolier", dit-il, soit 1 000 milliards de barils sur des réserves totales de 5 700 milliards constituées par le brut conventionnel déjà découvert et extractible (1 200 milliards), les sables bitumineux du Canada et les huiles lourdes du Venezuela (1 500 milliards), l’amélioration des taux de récupération de l’huile (1 000 milliards) et les découvertes à venir (1 000 milliards). Des réserves suffisantes, à ses yeux, pour assurer "plus de cent quarante ans de consommation au rythme actuel" et "discréditer" les arguments de ceux qui annoncent un déclin prochain de la production (le fameux peak oil).
Ces estimations "ne doivent pas nous dispenser d’une réflexion sur la transition énergétique", prévient le président de l’Institut français du pétrole, Olivier Appert. Ces données sont vigoureusement contestées, notamment par les anciens géologues pétroliers de l’Aspo (Association for the Study of the Peak Oil & Gas), qui prévoient une décroissance de la production de brut au cours de la prochaine décennie. Les chiffres de production sont "manipulés" et ceux des réserves "très politiques", résume Jean Laherrère, ex-directeur technique de l’exploration de Total et membre de l’ASPO. Les données techniques relèvent, elles, du secret d’Etat (excepté aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Norvège), complète-t-il.
Ce qui est certain, c’est que les réserves s’épuisent. En dépit de gisements aussi prometteurs que ceux récemment mis au jour dans le golfe du Mexique, les réserves prouvées n’augmentent plus que de 1 % par an (contre 4,5 % durant la décennie 1980) et les barils découverts depuis 1999 ne compensent que 45 % de ceux qui ont été consommés sur cette période.
Le gaz. Il est en plein développement. Sa consommation devrait augmenter de 138 % d’ici à 2050, la plus large part pour alimenter des centrales électriques, selon l’AIE. Longtemps scindé en marchés régionaux (Asie, Europe, Amérique du Nord) en raison des contraintes de transport par gazoducs, il se mondialise grâce aux énormes projets de gaz naturel liquéfié (GNL) en Russie, au Qatar et en Iran (60 % des réserves mondiales). En 2030, plus de la moitié du commerce gazier se fera sous forme de GNL. Mais contrairement au charbon, le gaz est concentré dans des pays au fort "nationalisme énergétique" (Venezuela, Russie, Bolivie...).
Le charbon. Il reste le "roi charbon" (King Coal) dans le monde, malgré des émissions de CO2 deux fois plus importantes que celles du gaz. Entre 1970 et 2004, la demande a progressé de 110 % (49 % pour le pétrole). Si rien n’est fait, elle triplera d’ici à 2050, selon l’AIE. Et ses réserves sont colossales : BP les estime à 910 milliards de tonnes, ce qui promet 155 ans de production - contre environ 45 ans pour le pétrole et 60 ans pour le gaz, toujours selon BP - au rythme actuel. Autre atout, le charbon se trouve partout, alors qu’une part croissante du pétrole et du gaz est produite dans des régions politiquement instables. "En coupant le gaz à l’Ukraine et donc à l’Europe, Poutine a fait une publicité inespérée au charbon", note un industriel du secteur. Il est moins coûteux à extraire et 83 % de sa production est consommée dans le pays d’extraction. Quant au risque de pollution durant son transport maritime, il est nul.
Plus de 40 % de l’électricité mondiale est produite à partir du charbon (20 % à partir du gaz, et 16 % du nucléaire). "Après le pic gazier des années 1990 aux Etats-Unis, le charbon retrouve la place centrale qu’il avait dans la matrice énergétique", se félicite Philippe Joubert, PDG d’Alstom Power. Leader mondial des turbines pour centrales à charbon, il engrange aujourd’hui les commandes, notamment en Asie. "En Europe, c’est aussi un combustible qui va se développer, entre autres en raison du prix du gaz", renchérit l’ex-président de Charbonnages de France, Philippe de Ladoucette, aujourd’hui président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).
ETRE RENTABLE ET PROPRE
A condition d’être rentable. Une incertitude pèse en effet sur son avantage compétifif dans le cas où le prix des permis d’émission de CO2 alourdirait fortement son coût. Et à condition de devenir propre. Car de tous les combustibles fossiles, c’est le plus nocif pour la santé (accidents de mine, silicose, maladies pulmonaires). Or deux tiers des 1 400 GW de capacités électriques à base de charbon seront installées, d’ici à 2030, dans les pays en développement - dont les centrales émettent 20 % de CO2 de plus que les centrales des pays de l’OCDE.
"L’industrie européenne peut prendre le leadership technologique dans la capture et le stockage du CO2", indique un récent rapport de la délégation interministérielle au développement durable remis au premier ministre Dominique de Villepin. "Il faudra examiner dans quelles conditions transférer ces savoir-faire aux pays les plus pauvres", notait récemment John Browne, PDG de BP. Faute de quoi, prévenait-il, "ils seront condamnés à répondre à leurs besoins énergétiques en recourant aux vieilles technologies sales".
Les groupes pétroliers doivent s’adapter
Gisements offshore, Arctique et Venezuela sont au menu du nouveau directeur scientifique de Total, Jean-François Minster
Depuis le 1er octobre, Jean-François Minster occupe le poste de directeur scientifique de Total, succédant à Claude Jablon. L’arrivée dans le groupe pétrolier de cet ancien PDG de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de lamer (Ifremer) est un signe de l’importance prise par la recherche off-shore dans l’industrie pétrolière.
« Il y a dix ans, les professionnels pensaient que l’offshore profond, situé sous plus de 500m d’eau, n’était pas intéressant »,se souvient Claude Jablon. Depuis, la hausse du prix du baril a eu raison de ces réticences. Aujourd’hui, « les principales installations qui vont entrer en fonction seront offshore », affirme Jean-François Minster.
L’annonce, le 5 septembre , par l’américain Chevronde la découverte de réserves très importantes à plus de 8 000 mètres de profondeur, dans le golfe du Mexique, confirme ce phénomène. D’autant que Total détient aussi des permis d’exploration dans le golfe du Mexique. « Plus les nappes sont profondes, plus la température et la pression augmentent. Les problèmes technologiques ne sont pas tous résolus », estime M. Minster.
Total mène parallèlement d’autres recherches. Pour extraire les huiles extralourdes par exemple. Le pétrole existe en effet parfois sous une forme quasi solide (comme du bitume). Au Venezuela, le taux de récupération actuel est de 8 % et un autre gisement est à l’étude au Canada,surlessablesbitumineuxdel’Athabasca (en Alberta). Total s’intéresse aussi aux gisements dans l’Arctique. Là, les problèmes sont logistiques - froid, isolement - et environnementaux. La transformation du gaz en pétrole est également envisageable, à condition d’en améliorer le rendement.
Autre piste suivie : une meilleure exploitation des gisements connus. Ces techniques de « récupération poussée » visent soit à rendre le pétrole moins visqueux ; soit, au contraire, à augmenter la viscosité de l’eau (à laquelle le pétrole est mélangé) ; soit, enfin, à injecter du gaz sous pression pour faire remonter le brut plus facilement.
Mais il n’y a pas que les hydrocarbures dans la vie de Total. Des procédés de liquéfaction du charbon sont en finàl’étude. Dans le secteur des énergies renouvelables, il souhaite améliorer le rendement de ses cellules photovoltaïques, dont Total est l’un des principaux producteurs mondiaux. « En faisant des cellules plus minces, ou à base de matière organique », précise M. Minster.
L’impact sur l’environnement étant désormais essentiel, le protocole de Kyoto a conduit le pétrolier à s’intéresser au traitement du gaz carbonique. « Total est présent dans des projets de capture, transport et stockage du CO2 », explique M. Minster. L’installation pilote construite à Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques, sera opérationnelle en 2008. Le groupe étudie aussi la possibilité de minéraliser le CO2, de le transformer en carbonate et de le stocker dans d’anciennes mines de charbon ou de sel, par exemple.
Cet un article est un élément du dossier du quotidien [Le Monde-< mot 32] paru le 5 octobre 2006 sur l’énergie
Comment relever le défi énergétique d’une demande doublée d’ici 2050 ?
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