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Luc PEILLON
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Le vrai bilan des 35 heures
jeudi 10 janvier 2008 par Muriel Gremillet, François WENZ-DUMAS, Grégoire BISEAU, Luc PEILLONAjustement de discours. Hier, à l’occasion des vœux aux parlementaires, Nicolas Sarkozy a tenu à préciser qu’il n’était pas dans « l’intention du gouvernement de supprimer la durée légale du travail », mais d’aller « beaucoup plus loin dans la réforme des 35 heures ». Bref, de poursuivre la politique de détricotage de la réduction du temps de travail (RTT), au nom du pouvoir d’achat et de la compétitivité. Tentative de bilan de la mesure phare du gouvernement Jospin que la droite n’a jamais cessé de combattre, et que la gauche a de plus en plus de mal à assumer.
1. Les 35 heures n’ont pas créé d’emplois
Faux. Pendant la campagne électorale de 1997, le PS promettait la création de 600 000 à 800 000 postes grâce aux lois Aubry. La réalité est probablement plus près de 350 000 emplois entre 1998 et 2002. Ce chiffre arriverait presque même à faire consensus. Reste à savoir ce qui a permis ces créations de postes : Pour les économistes libéraux, ce n’est pas la baisse de quatre heures du temps de travail qui libère des postes. Ce sont la flexibilité accrue et les baisses de cotisations sociales sur les bas salaires qui sont à l’origine de cet effet emploi. D’autres considèrent que la baisse du temps de travail couplée à une croissance mondiale favorable à l’époque a encouragé les entreprises à créer des emplois.
2. elles coûtent très cher à l’Etat
Vrai. En 2008, les allégements de charges liés aux 35 heures vont coûter 21,4 milliards d’euros au budget. Mais de fait, il faudrait plutôt parler d’allégements de charge qui s’appliquent aux bas salaires, dont un peu plus d’une moitié sont directement en lien avec la réduction du temps de travail. Des allégements dits « Fillon », puisque c’est l’actuel Premier ministre qui a inventé le dispositif qui s’applique aux salaires entre 1 et 1,6 fois le Smic. En 2007, ces allégements représentaient 20,6 milliards d’euros. Reste à savoir s’ils n’encouragent pas à un « tassement » des grilles salariales vers le bas. Au-delà de 1,6 Smic, les entreprises paient davantage de charges. En 2008, l’Assemblée nationale a décidé de se pencher sur le problème et de réaliser une réelle évaluation de ces allégements.
3. Elles nous ont rendus paresseux
Faux. Non seulement les Français ne sont pas les plus flemmards de la classe européenne, mais si l’on en croit Eurostat, l’organisme de statistique de la Commission, ils travaillent autant voire plus que leurs voisins. Avec 35,9 heures travaillées par semaine (tout emploi confondu), les Français sont au turbin un peu plus longtemps que les Anglais (35,7 heures), que les Allemands (35,8 heures) et beaucoup plus que les Bataves (34,5) ou que les Suédois (34,5). Pourtant la France est bien le pays dans lequel un salarié à temps complet travaille le moins en Europe. Contradiction ? Non, car c’est la part du temps partiel dans l’emploi total qui fait toute la différence. Or en la matière et notamment grâce aux 35 heures, la part du temps partiel notamment chez les femmes est beaucoup plus faible en France (17 %) qu’au Royaume-Uni (25,5 %), en Allemagne (26,3 %) et bien sûr aux Pays-Bas (46,9 %) le champion européen.
4. elles ont fait baisser LA productivité
Faux. Le salarié français a toujours affiché une bonne productivité (nombre d’unités produites par heure de travail). Mais la mise en place des RTT dans les entreprises françaises, loin de semer le chaos, a encore amélioré cette performance. Lisons la prose de l’Insee, dans sa dernière livraison sur « l’évolution des salaires en France en 2007 » : « La mise en œuvre de la réduction du temps de travail s’est accompagnée des modifications dans l’organisation du travail visant une meilleure productivité ». Résultat, la productivité horaire du salarié français était en 2004 de 16,5 % supérieure à la moyenne de l’Europe des Quinze, contre un écart déjà positif de 11 % en 1996.
5. Elles ont fait stagner les salaires
Vrai. Au cours de la période 2000-2005, les salaires du secteur privé ont augmenté péniblement de 0,5 % par an, alors que la croissance annuelle moyenne du PIB s’est élevée à 1,6 %. Entre 2001 et 2003, le taux de croissance du salaire net moyen a même baissé, avant de repartir légèrement à la hausse à partir de 2004. Deux effets se sont conjugués. Un : les accords de modération salariale qui ont accompagné de nombreux accords de réduction du temps de travail dans les entreprises. Deux : la remontée du chômage à partir de 2001 qui a, elle aussi, pesé sur les salaires.
6. elles ont semé la zizanie à l’hôpital
Vrai. Aujourd’hui, ce sont près de 23 millions d’heures supplémentaires impayées et de 3,5 millions de jours de congés stockés dans des comptes épargne temps qui se sont accumulés dans le secteur hospitalier. Cela, en dépit des milliers d’emplois créés dans les secteurs médicaux et para-médicaux grâce à la RTT. La ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a programmé des rencontres avec les syndicats pour désamorcer des mouvements de grève qui s’annoncent. Mais la situation catastrophique de l’hôpital ne date pas de 2002. Les 35 heures n’ont fait que radicaliser le problème des recrutements dans certaines professions, comme les infirmières. Toutes les créations d’emploi promises n’ont pu être tenues faute de candidats et, dans certains cas, de financement.
7. Elles ne sont pas applicables dans les PME
Faux. Jusqu’ici les PME ne se plaignaient pas trop. D’abord, elles avaient obtenu un délai de deux ans avant de choisir d’appliquer la RTT et bénéficiaient des allégements de charges sur les bas salaires. Surtout, pour celles qui baissaient le temps de travail, les heures supplémentaires entre la 35e et la 39e heures étaient majorées de 10 %, contre 25 % pour une heure sup normale. Sauf que depuis le mois d’août dernier, la première heure sup est facturée à 25%, par la loi Tepa (travail, emploi, pouvoir d’achat), voulue par... Nicolas Sarkozy. Résultat, c’est aujourd’hui que les PME montent au créneau pour dénoncer ce renchérissement du coût des heures sup.
Heures sup et RTT : le maquis
En empilant les lois, le gouvernement accumulera les incohérences.
Attention, énorme usine à gaz. En voulant contourner la durée légale du travail sans l’abroger, le gouvernement a mis en place plusieurs mesures pour inciter les employeurs à augmenter le temps de travail. Sous la forme d’heures supplémentaires ou de jours de RTT rachetés, l’objectif est le même : faire travailler les salariés au-delà de 35 heures. Mais les législations successives touchent aujourd’hui de façon inégale les salariés - et les employeurs. Petite visite de la tuyauterie alambiquée du « travailler plus pour gagner plus » depuis la loi Tepa (travail, emploi, pouvoir d’achat) de août 2007.
Heures supplémentaires Tepa. Toutes les heures travaillées au-delà de 35 heures par semaine, ou au-delà de la référence horaire en cas de modulation, sont considérées comme des heures supplémentaires, majorées de 25 %. Depuis la loi Tepa, elles sont également exclues du revenu imposable et bénéficient d’une exonération totale de cotisations sociales pour le salarié et l’employeur. Pour les temps partiels, les heures dites complémentaires suivent le même régime, mais l’employeur ne bénéficie d’aucune exonération.
Rachat de jours de RTT, selon le projet de loi suir le pouvoir d’achat. Ce texte doit encore passer devant les sénateurs le 23 janvier. Selon sa version provisoire, les salariés dont le temps de travail a été réduit sous la forme de jours de RTT peuvent, jusqu’au 30 juin 2008, se voir rachetés ces RTT. Elles seront majorées de 25% pour certains salariés et d’« au moins 10% » pour les cadres. Mais à la différence des heures sup, les jours de RTT pour 2007 ne sont pas défiscalisés (ceux de 2008 pourraient l’être) et pas totalement exonérés de cotisations sociales pour le salarié. A l’inverse, l’employeur bénéficie d’une exonération de cotisations (sauf CSG et CRDS), alors qu’elle est forfaitaire dans le cas des heures supplémentaires Tepa.
Là où tout se complique, c’est que ce rachat de jours de RTT était déjà possible, en partie, dans le cadre de la loi Tepa. mais pas aux mêmes conditions. En effet, pour les cadres dont l’entreprise prévoyait déjà le renoncement à des jours de RTT, ou d’une manière générale pour les salariés dont le temps de travail est décompté en jours dans les entreprises de moins de 20 salariés, les jours de repos auxquels ils renoncent (dans la limite de 10 jours pour les moins de 20 salariés) peuvent bénéficier d’un régime beaucoup plus avantageux pour le salarié, mais beaucoup moins pour l’employeur... Suivant la taille de l’entreprise ou l’existence ou non d’un accord, les cadres ne seront donc pas payés de la même façon. Du grand art ! Même si, à Bercy, on affirme que tout cela devrait être harmonisé au Sénat.
